lundi 2 juin 2014

Interview peinture - Matthieu Favresse AKA Matt GWB

On ne le présente plus : ses peintures arpentent les colonnes de la page facebook W&F et sa page perso a connu un essor considérable en peu de temps. Réputé pour la précision de sa peinture et le souci du détail, je suis très content d'avoir pu interviewer pour vous Matthieu, qui nous livre ici sa vision unique de la peinture et de son art, en tout simplicité.
 

Wagrame & Figruine (W&F) – Salut Matt ! Tout d'abord, merci à toi d'avoir bien voulu répondre à ces quelques questions. Pour commencer, peux-tu te présenter en quelques mots ?
M - Bien sûr ! Je m’appelle Matthieu Favresse. J’ai 42 ans (presque), marié, trois enfants. Je suis français et je vis à Bruxelles. Et je suis fondu de peinture, même si je ne trouve pas assez de temps pour peindre autant que je le voudrais.

W&F - Depuis combien de temps peins-tu des figurines ?
M – J’ai eu deux périodes « peinture » dans ma vie. Une première, de tout gosse à mes 20-25 ans, où j’ai peint beaucoup de trucs : des maquettes (avions, voitures, tanks, etc.), quelques tableaux, pas mal de « fresques » (sur les murs de mes apparts). Et une toute récente, où pour aider mon fils, j’ai repris les pinceaux et découvert l’univers de la figurine fantastique.

W&F - Comment as-tu commencé à peindre des figurines ?
M – Comme je disais, un jour mon fils s’est acheté une boîte de Cadiens et m’a demandé des conseils pour les peindre. Un mois plus tard, j’étais complètement accroc. Je ne connaissais rien à cet univers et rien non plus aux peintures acryliques (j’étais adepte de l’huile). J’ai donc appris, appris, appris, avec avidité et frénésie. J’en suis toujours là d’ailleurs.

W&F - Qu'est-ce qui te plait le plus dans cette activité ?
M – La peinture, c’est le pied. Tu t’évades, tu te sens libre et heureux comme un gosse. Tu apprends chaque jour des nouveaux trucs. La seule limite, c’est l’énergie que tu mets dedans !


METHODOLOGIE


W&F - Comment prépares-tu un projet ?
M – D’abord il faut que j’aie un coup de cœur pour une fig. Ensuite, avec énormément de documentation. Particulièrement sur le net (merci Google), mais pas seulement (livres d’art, BD, films, etc.). Exemple, pour la peau de Morko (mon projet actuel), j’ai cherché des images de porcs, de phacochères, de singes, de crapauds et d’hippopotames, entre autre… Sinon, je commence toujours par réfléchir à un schéma de couleur de base (qui peut encore évoluer après d’ailleurs). Enfin j’essaie de « raconter » une histoire qui va interagir avec la fig que je vais peindre.

W&F - Où puises-tu ton inspiration ?
M – Partout. Dans ce qui m’entoure, je suis curieux de tout. Il y a toujours autour de nous quelque chose d’intéressant qui peut nourrir le geste.

W&F - Quels sont les peintres sur figurine qui t'inspirent ?
M – Beaucoup ! En fait j’aime plein de peintres, avec des styles très différents. C’est une de mes caractéristiques, je ne suis pas stéréotypé dans mes goûts. Disons que j’aime la qualité quelle que soit la forme qu’elle prend. Je vais même parfois jusqu’à conserver des photos d’une fig parce qu’un aspect seulement de celle-ci m’a séduit. Sinon j’aime surtout les peintres qui flirtent avec la limite et font passer l’émotion dans leur travail.

W&F - Quels sont les artistes (tous genres confondus) qui t'inspirent ?
M – Les peintres, les sculpteurs, les metteurs en scène, les acteurs, les dessinateurs, les écrivains, les artisans, les architectes, les musiciens, les graphistes, les designers, etc., etc., etc., il y en a tellement ! Les gens avec du talent ça ne manque pas (morts ET vivants), c’est juste que notre société ne les met pas toujours en avant. Dommage. Des noms ? Botticelli, Giacometti, Kubrick, Nicholson, Druillet, Camus, Stradivarius, Le Corbusier, Jimmy Hendricks, et tant d’autres, tant d’autres…

W&F - Quels sont tes univers préférés ? Ceux qui t'inspirent le plus ?
M – Sûrement la peinture, la DB et l’architecture. Je suis un « visuel ». J’aime les formes, les couleurs, les sensations qu’elles apportent. Par exemple, je me sens heureux devant un bâtiment. Je peux rester des heures à scruter le moindre de ses détails, à essayer de comprendre son esthétique, sa structure, sa fonction. Je me délecte devant une BD qui m’emmène ailleurs, dans d’autres têtes, d’autres mondes. Et puis les tableaux… S’asseoir devant une toile dans un musée, et la laisser faire le reste…

W&F - Quels personnages ou épopées t'inspirent le plus ?
M – Je n’aime pas les « personnages » existants ou ayant existé. Le culte du personnage génère toujours le même bégaiement de l’histoire, la perte de la conscience individuelle. Et pour les personnages fictifs, je suis assez mauvais client en fait. La morale souvent attachée m’agace un peu. Trop stéréotypés, trop manichéens, je les trouve souvent sans profondeur. Certains antihéros seraient peut-être plus à mon goût. J’aime bien les atypiques.

W&F - Comment définirais-tu ton style ?
M – Ce n’est pas à moi d’en parler. Et toi, comment définirais-tu mon style ?
Par contre je peux te dire ce que j’aimerais atteindre en termes stylistiques : un subtil mélange d’harmonie et d’émotion. Je trouve que le pire défaut d’une figurine, c’est le déséquilibre. Je préfère une fig un peu moins belle, mais harmonieuse, qu’une fig avec des traits de génie et des lacunes juste à côté. La maîtrise, c’est aussi ça, je pense. Ensuite, ce qui m’embête, c’est une fig techniquement splendide devant laquelle je ne ressens rien. C’est comme un plat de chef étoilé qui n’aurait aucun goût, c’est frustrant.

W&F - As-tu déjà suivi des cours ou es-tu autodidacte ?
M – Pur autodidacte. Mais j’ouvre grand les oreilles quand on me donne des conseils qui me semblent avisés et je suis curieux des trucs des autres, même si je les applique finalement assez rarement tels quels, chacun sa patte. Un conseil : « écouter les autres », ça ne veut pas dire « ne pas se faire confiance ». Les deux sont importants.

W&F - Quelle est ta technique favorite ?
M – La prochaine que je vais essayer. Ce n’est pas la technique qui m’intéresse, c’est apprendre à contrôler un nouveau truc et ensuite prendre du plaisir à l’appliquer mieux que la fois d’avant. Et puis quelques temps plus tard, tu te replonges dedans et tu te rends compte que cette technique ne t’avait pas tout donné, elle en avait gardé pour quand tu serais prêt. Et c’est un cycle qui ne s’arrête jamais : plus tu avances, plus tu apprends, et plus tu apprends, plus la route est longue. Et c’est tant mieux.

W&F - Quelle est d'après toi ta petite "touche personnelle" ?
M – C’est difficile de répondre à ce genre de question, je sais pas trop. Peut-être que je suis issu du croisement de nombreuses influences et de cultures différentes et que ça se sent dans mon travail. J’espère que ça lui apporte de la richesse et de l’originalité. En tout cas, ça me plairait que les gens le voient comme ça.

W&F - De quoi se compose ton atelier de peinture ?
M – En fait, j’en ai pas. Je peins entre la cuisine et la salle à manger. Je pourrais m’isoler un peu plus, mais alors je serais un peu comme un ours dans sa caverne, alors que là je peins au beau milieu de la maison. Parfois c’est chaotique, mais la plupart du temps, ça me plaît bien.

W&F - Quel matériel utilises-tu (pinceaux, Aérographe, etc.) ?
M – Mes pinceaux Raphaël 8400 (1 et 2), mon aérographe H&S Evolution (avec un bon compresseur à cuve), et une bonne lumière blanche. C’est à peu près tout. Je n’entrerai pas dans la guerre de clans qui oppose pro-pinceaux et pro-aéro, moi j’utilise les deux. Chacun de ces outils à ses points forts et j’essaie de m’en servir au mieux.

W&F - Quels sont tes outils préférés ? Tes peintures préférées ?
M – Mes pinceaux certainement. Pour les peintures, je n’utilise presque que du Citadel pour le moment, mais ça évolue selon les conseils, envies ou besoins spécifiques. J’aime bien la gamme de Citadel, les couleurs son riches en pigments (c’est parfois un peu gênant avec l’aéro, mais on fait avec sans problème) et il y a du choix. J’avoue manquer encore de culture générale à ce niveau. À creuser, sans aucun doute.
W&F - Tu as du son dans les oreilles quand tu peins ? La TV en fond sonore ? Si oui, quoi ?"
M – Pas toujours. Comme je peins au milieu de tout le monde, je suis souvent assez neutre, voire discret. Et pour être honnête, quand je suis concentré, j’entends pas grand-chose. Il m’est arrivé parfois de me rendre compte que ça faisait 1 ou 2 heures que la même chanson passait en boucle. Sinon j’aime bien écouter de la musique quand je peins. Le genre n’est pas important, je suis assez tolérant en général, mais ça doit être cool.

W&F - Ta technique de soclage ?
M – Je suis encore assez à la traîne en matière de socle, mais je me soigne. Enfin j’essaie. Je négligeais pas mal cet aspect des choses, mais on m’a fait prendre conscience que c’est la partie d’un tout et qu’il faut s’appliquer sinon on ne met pas entièrement la figurine en valeur. Ceci dit, c’est clairement un effort. De toute façon, pour moi un socle est au service de la fig et pas question du contraire. Je n’aime pas les socles alambiqués, chargés, trop grands, trop présents. J’aime la mesure et la simplicité. Je travaille sur mes dernières figs avec Philippe Perrad, des socles « Mustangs ». Je lui explique ce que j’ai en tête et il me fait des propositions. J’aime bien travailler avec Philippe. On fait une bonne équipe, je pense.


TON PARCOURS ET TES ŒUVRES


W&F - Peux-tu nous présenter trois de tes œuvres préférées ?
M – Facile, tu prends les trois dernières : Airtis, la sorcière elfe noir et Morko. Et ma favorite, c’est la suivante à venir. Ce qui me plaît, c’est quand je peins. Le résultat, au final, c’est de moins en moins important.



Airtis, c’est un cadeau de mon pote peintre Mathieu qui m’a dit qu’il était temps que je passe à quelque chose de plus complexe, et qu’en plus, ça me permettrait de tester une autre échelle (54mm). Il avait entièrement raison. Faut pas lui dire, mais il a souvent raison en fait. Et puis c’était ma première fig en métal.



La sorcière, c’est à l’origine un duel peinture avec Mat aussi. Sauf que moi je l’ai finie (hein Mat). C’est une fig que j’aime beaucoup. Je me suis beaucoup amusé. Quand j’ai eu trouvé le schéma de couleur, le reste a coulé comme une rivière. La peau a particulièrement été un régal à faire. A noter que je n’ai pas utilisé mon aéro pour cette fig (sauf pour le socle).




Enfin Morko. Morko, je l’avais vu à la Painting Crusade en vrai avec son « papa » (Benoît Ménard) et j’avais su à ce moment que je le peindrai un jour. La question c’était de savoir quand je me sentirai à la hauteur de ce bijou. Pour être sûr de ne pas le rater bêtement (édition limitée), je l’ai commandé un peu plus tard. Et puis quand je l’ai reçu, que j’ai pu admirer la bête, plus aucune hésitation, il fallait le faire, absolument. C’est un buste magnifique, avec une gravure époustouflante. Il suffit de se laisser guider par la fig elle-même, ça déroule… Je dois encore finaliser pas mal de détails, mais je suis déjà très heureux de l’accueil qu’il a reçu.

W&F - Sur quel(s) projet(s) travailles-tu actuellement ? Peux-tu nous les présenter rapidement ?
M – En règle générale, je ne travaille que sur un projet à la fois. Pour deux raisons. La première, c’est que quand on arrête une fig, on ne sait jamais quand on la reprendra, et c’est toujours dommage. Quand on commence quelque chose, c’est mieux de le finir. La seconde, c’est que je suis un obsessionnel. Quand je peins une fig, je ne pense qu’à ça, je suis focalisé.
Pour l’instant, je bosse sur le c’tan de Paul Bullock, un chouette « fan » anglais. J’avais organisé un concours pour les 500 likes de ma page FB, et c’est le projet de Paul qui a le plus attiré mon attention. C’est un projet qui va être très complexe. Je me documente actuellement sur l’anatomie humaine et les peintures métalliques chromées… A suivre sur ma page.

W&F - As-tu déjà participé ou aimerais-tu participer à des concours de peinture (golden démons, etc.) ? En as-tu remporté ?
M – J’ai fait les traditionnels concours GW de la boutique de Pierrot à Bruxelles. J’en ai gagné quelques-uns. Quelques concours sur le net aussi (n’est-ce pas Emmanuel… ^^). Et puis cette année j’ai voulu passer un cap, alors j’ai préparé la Painting Crusade. J’ai présenté 4 figs et je suis reparti avec l’or en confirmé, des souvenirs plein la tête et des nouveaux potes. Le pied. Ces gars m’ont confirmé que j’avais quelque chose à exploiter et que si je déconnais pas trop, je devais pouvoir encore progresser. Ça plus les conseils de Mat, ça m’a boosté un peu plus.
Là, dimanche dernier, presque par hasard (j’ai appris l’existence du concours la semaine même, via Denis Vanhingeland, un super peintre belge, à qui je venais d’acheter une fig), j’ai présenté les trois figs dont on vient de parler et j’ai remporté l’or en Masters et le Best of Show. Incroyable…
Mon prochain concours sera un p’tit voyage en amoureux avec ma p’tite femme sur le lac majeur à Stresa pour le concours international. Du lourd en perspective. Mais c’est rien, j’y vais uniquement pour me faire plaisir.

W&F - Es-tu professionnel ? Souhaiterais-tu le devenir ? Réalises-tu des commandes ?
M – Non. J’ai énormément de respect pour ce boulot, mais je détesterais devoir mélanger cette passion avec les problèmes quotidien que génère tout travail. Si je peux m’offrir le luxe de rester complètement libre de peindre ce que je veux, comme je veux, ça me va parfaitement.

W&F - Exposes-tu tes œuvres (lors de conventions, etc.) ?
M – Non. Mais pas mal de mes figs se trouvent pour le moment dans la vitrine du Games Workshop de Bruxelles.

W&F - Où pouvons-nous admirer tes œuvres sur la toile ? As-tu un blog ou un site ?
M – Sur ma page FB. Je suis pas dingue des réseaux sociaux, mais il faut admettre que dans le cadre d’un hobby de ce type, c’est un support génial pour mater un max d’œuvres et prendre contact avec des peintres hyper facilement.

LE MOT DE LA FIN


W&F - Si tu devais ne prendre qu'une figurine avec toi sur une île déserte ?
M – J’apprendrai à sculpter.

W&F - As-tu d'autres passions ? Lesquelles ?
M – Ah oui, bien sûr ! Comme je l’ai dit, la BD, le cinéma, l’architecture, l’histoire, la cuisine, le vin, les soirées potes et pour finir, ma p’tite famille.

W&F- Mille merci Matthieu pour tes réponses et ta patience. Un grand bravo pour ton travail et pour les œuvres que tu postes régulièrement sur notre page. Du coup, on espère que cela va devenir une habitude et sommes impatient de voir les prochaines. As-tu un dernier mot pour les peintres qui suivent la page Wagrame & Figruine ?
M – Amusez-vous. La peinture, c’est avant tout énormément de plaisir.

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